Histoire

Depuis 1790, la commune de Champcella appartient au département des Hautes-Alpes mais, auparavant, le territoire de Champcella ou Chancella - Tchancella dans la langue locale - a appartenu à la province du Dauphiné. La population chancellouire forma alors l'une des communautés d'habitants du Haut-Embrunais. Au Moyen Âge et à l'époque moderne, cela implique des différences d'organisation assez importantes avec les communautés du Briançonnais. Compte tenu de ces données, on peut présenter ainsi les grandes étapes de l'histoire du village.

L'Antiquité. 

Parmi les découvertes archéologiques qui attestent l'ancienneté de l'occupation humaine du territoire de Champcella, une petite nécropole été mise à jour en 1969, au quartier de Cumenal, à 1555 mètres d'altitude; le contenu d'une vingtaine d'urnes funéraires a été daté du Ier siècle après Jésus-Christ. Dans la partie du territoire communal située au niveau du lit de la Durance, se trouvait la bourgade de Rama. Elle est connue par des documents qui répertorient les principales étapes le long des voies romaines - ici la via Domitia - notamment les gobelets de Vicarello datés, eux aussi, du Ier siècle. Des fouilles effectuées à Rame confirment l'occupation du site pendant la période gallo-romaine. C'est à Rame que les traditions locales fixent la construction de la première église du secteur, consacrée au début du VIème siècle, par saint Pelade, évêque d'Embrun, et dédiée à saint Laurent. 

Le Moyen Âge. 

Durant le Haut-Moyen Âge, Champcella semble avoir vécu dans la dépendance d'institutions basées à Rame, notamment la paroisse. La population chancellouire dépendait aussi de l'autorité des seigneurs de la famille de Rame. Mais pas exclusivement puisque les sources mettent en valeur le rôle des archevêques d'Embrun qui possédaient une partie de la seigneurie de Champcella. L'influence de ces autorités et d'autres co-seigneurs, dont les prérogatives étaient enchevêtrées dans les territoires des actuelles communes de Champcella, Freissinières et La Roche, est repérable dans des documents concernant le mandement de Pallon, circonscription administrative dans laquelle les trois villages partagèrent certaines choses, comme certains alpages, mais au sein de laquelle chaque village vécut de manière de plus en plus autonome. Une période d'importantes transformations, à l'échelle locale, semble pouvoir être située après l'intégration du Dauphiné au royaume de France. On la repère, à la fin du XIVème siècle et au XVème, avec la création de paroisses basées dans chaque village, et la construction d'églises, dont celle de Champcella; il en subsiste le chœur, conservé lors d'une reconstruction ultérieure de l'édifice. Ainsi la perte d'influence de la bourgade de Rame peut-elle s'expliquer par des destructions liées à des inondations mais aussi, vraisemblablement, par une organisation administrative nouvelle qui diminuait considérablement l'intérêt d'habiter l'ancien centre administratif. Au confluent de la Durance et de la Biaysse s'élèverait, désormais, seulement le château dont les aménagements, effectués par Fazy de Rame, à la fin du XVème siècle, sont connus par le" journal" tenu par ce seigneur.

La période moderne. 

L'organisation de la communauté d'habitants de Champcella, à l'époque moderne, est connue grâce à la production de nombreux documents, archivés soigneusement à partir du XVIème siècle, avec des pièces plus anciennes, par les consuls et secrétaires de la communauté. Les habitants de Chancella sont alors agriculteurs et éleveurs. L'importance des alpages est attestée par les procédures engagées avec les communautés de Freissinières et de Réotier. Cette période est aussi celle du développement d'une pratique plus ancienne: l'irrigation; une quinzaine de canaux sillonnent le territoire, le plus remarquable étant le canal de Pierrefeu ou canal du Collet. Certains Chancellouires sont aussi artisans et beaucoup ont des activités "hors du pays", par exemple en tant que marchands dans le Bas-Dauphiné et en Languedoc. Une partie de la population est passée à la Réforme protestante, peut-être après avoir adhéré au valdéisme; ainsi Sébastien Jacqui, fils d'un notaire du village, connu pour avoir été le premier imprimeur de la ville de Nîmes, à la fin du XVIème siècle. Un temple fut édifié à Ville, le chef-lieu; il fut démoli en 1685. Malgré certaines divisions internes, le village était doté d'importantes institutions communautaires; elles permirent à la population d'affronter des périodes très difficiles, comme en 1570, lors des guerres de religion, ou lors de l'invasion savoyarde de 1692. Les sources montrent l'originalité des pratiques communautaires pour le fonctionnement de la paroisse catholique, depuis un legs des sieurs Granet et Achard, vraisemblablement au XVIème siècle; cette originalité apparaît aussi dans l'organisation de la reconstruction de la nef de l'église en 1749. Le milieu du XVIIIème siècle est également l'époque à laquelle a été démoli le château de Rame. Il avait été acquis une centaine d'années auparavant par la communauté d'habitants mais, pour rembourser certains créanciers, le château avait ensuite été cédé à diverses personnes et institutions contre lesquelles la communauté engagea des procédures afin de récupérer ce bien. Ayant gagné, la communauté décida donc - bien avant la Révolution - de démolir le château et de partager le domaine entre ses membres avec, en 1756, l'agrément du Conseil d'État, au nom de Louis XV.

Histoire Champcella

L'époque contemporaine. 

Pendant la période de la Révolution et de l'Empire, Champcella s'adapte aux nouvelles règles de fonctionnement de l'État et de la société. À cette époque, un Chancellouire se distingue dans les armées de la République, puis au service de Napoléon: Jean-Joseph Guieu, promu général de division en 1796, dont le nom figure sur l'arc de triomphe de l'Étoile. Malgré l'instauration de nouvelles institutions, les activités professionnelles des habitants de la commune changent peu par rapport à la période précédente: agriculture et élevage, complétés par l'artisanat et des activités exercées au loin, en hiver, comme la tonte des chevaux, la charcuterie, le colportage. Mais des transformations apparaissent peu à peu dans la vie du village. Ainsi pour les écoles, établies depuis longtemps dans la région. En 1849, le curé Laurençon et la municipalité créent une école pour les filles, cette école paroissiale et municipale – il ne s'agit pas d'une école privée – fut dirigée pendant de nombreuses années par une religieuse de la Providence de Gap; on y forma des institutrices qui ont enseigné dans le secteur. Depuis plus longtemps encore, des garçons étaient formés ici pour devenir instituteurs. La deuxième moitié du XIXème siècle voit s'accentuer les transformations liées à l'industrialisation de la France et du monde. D'abord saisonnières, certaines migrations deviennent définitives, et la population qui comptait jusque-là entre 600 et 700 habitants, commence à diminuer. Des familles s'expatrient dans d'autres continents, le groupe le plus important s'installant en Tunisie. Quant aux familles restées au village, elles se répartissent de manière différente dans le territoire: les hameaux d'altitude perdent plus rapidement leur population permanente que Ville et le Chambon. L'exploitation de la mine de Gouas et la création d'industries dans la vallée de la Durance – à laquelle est liée la mise en activité de la centrale hydro-électrique de Rame, en 1909 – freinent l'exode rural mais ne le tarissent pas: la plupart des jeunes gens et jeunes filles travaillent hors du village, après avoir fréquenté les écoles réorganisées suivant les directives de la IIIème République. Lorsque éclate la Première Guerre mondiale, Champcella voit partir les jeunes hommes au front; une trentaine y périrent entre 1914 et 1918. Parmi eux, des Espitarins: enfants que l'Assistance Publique confiés en très grand nombre aux familles du village, spécialement entre 1850 et 1930.
Après la Grande guerre, l'exode rural continue. L'électricité, l'eau courante et le téléphone sont installés dans les années 1930, et on commence à créer des routes pour les hameaux. Mais l'exode s'accentue après la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, jusque dans les années 1980, voire jusqu'au début des années 2000, suivant les activités, la commune restait bien vivante selon un mode traditionnel. Avec ses épiceries, ses cafés, le passage des commerçants ambulants, la partie de "longue", chaque dimanche après-midi, devant l'église, et l'animation des écoles, même si elles avaient de moins en moins d'élèves, ce qui amena d'abord la fermeture de l'école du Ponteil puis de celle du Serre. Mais les travaux des champs perduraient, et le "change", autrement dit le tour de rôle pour garder les troupeaux lorsqu'ils n'étaient pas dans les alpages, mais encore les corvées des canaux, les exercices de la compagnie des sapeurs-pompiers, le tir à la cible du 14 juillet, le pèlerinage de Rame et la fête de la Saint-Pierre, témoins de plusieurs siècles de vitalité paroissiale et villageoise. Depuis les années 2000, les transformations paraissent de plus en plus profondes et teintées d'un mode de vie urbain; il appartiendra à l'avenir de les regarder comme de l'histoire.